Printemps culturel

Un carrefour plein de sens!

Quoi de plus actuel en ce Prin­temps cultu­rel neu­châ­te­lois qu’un car­re­four ! Lieu où se croisent plu­sieurs routes, géné­ra­le­ment amé­na­gé en vue d’éviter les risques de col­li­sion et d’ouvrir la voie de cha­cune et cha­cun à ses hori­zons de vie. Ou alors aus­si, un moment-clé ou une cir­cons­tance déci­sive qui convoque à choi­sir entre plu­sieurs des­ti­nées pos­sibles.

Tout à l’opposé d’un car­re­four imper­son­nel où l’on s’approche fur­ti­ve­ment avant de pas­ser son che­min, le Prin­temps cultu­rel invite à vivre inten­sé­ment un renou­veau de la ren­contre humaine dans les espaces variés de notre Répu­blique, qui paraît par­fois un peu per­due ou dérou­tée, au cœur de l’Europe.

C’est même un véri­table remaillage du can­ton de Neu­châ­tel qu’esquisse le magni­fique pro­gramme prin­ta­nier, avec ses touches poé­tiques, qui nous est offert en pre­nant appui sur l’écho d’un car­re­four his­to­rique emblé­ma­tique : Sara­je­vo.

Cette cité-là, au car­re­four de l’Europe et de l’Histoire, sera certes au centre de notre atten­tion ces pro­chains mois. La trame de fond se joue­ra pour­tant bien au cœur de nos choix ici, de ren­for­cer ou non notre propre com­mu­nau­té de des­tin, au-delà des cli­vages et blo­cages exis­tants. Grâce à l’Association du Prin­temps cultu­rel, l’Université, les musées, les théâtres, les ciné­mas, les biblio­thèques et des per­sonnes créa­tives de tout le can­ton se ras­semblent pour réunir leurs forces et moyens, l’espace d’une sai­son, en don­nant espoir et sens au deve­nir de notre can­ton. La ville de Neu­châ­tel se féli­cite de cette belle ini­tia­tive qu’elle sou­tient avec convic­tion. L’esprit et l’engagement exem­plaire qui pré­vaut par­mi les acteurs cultu­rels et artis­tiques autour de cette opé­ra­tion font de Neu­châ­tel un vrai car­re­four de cohé­sion inter­cul­tu­relle ancrée en Europe. Ren­dez-vous à Sara­je­vo et Neu­châ­tel !

Thomas Facchinetti, Conseiller communal, Directeur de la culture et de l’intégration de la ville de Neuchâtel

J’avais 12 ans lors des Jeux olympiques de Sarajevo en 1984, et je me demande encore si c’est la première fois que j’entendais alors le nom de cette ville, ou si quelque cours d’histoire en avait déjà fait mention.

Aujourd’hui, les images d’archives des Jeux de Sara­je­vo me font sur­tout fré­mir, tant la vie y paraît nor­male à quelques années du début de la tra­gé­die humaine qui allait se jouer dans ces mêmes lieux (est-ce alors bien ras­su­rant de pen­ser que la vie nous paraît tout aus­si « nor­male » ici et main­te­nant ?).

Je passe sur mon incom­pré­hen­sion têtue de cette guerre, mon admi­ra­tion pour Goran Bre­go­vic et Emir Kus­tu­ri­ca (et mon refus de savoir où les situer par rap­port à ces conflits), la lec­ture d’Yves Laplace (auteur romand qui a réédi­té en 2015 une ver­sion aug­men­tée de son essai sur la guerre en ex-You­go­sla­vie), un bref séjour à Zagreb en été 2016 (où j’ai sur­tout été frap­pé par un natio­na­lisme renais­sant) puis mon arri­vée en Bos­nie-Her­zé­go­vine par un poste-fron­tière par­ti­cu­liè­re­ment peu accueillant du côté de Ban­ja Luka.

Ce que je retiens actuel­le­ment d’une fas­ci­na­tion remon­tant à l’enfance pour la « You­go­sla­vie », c’est un mélange d’images bigar­rées, de cultures dif­fé­rentes et proches à la fois, c’est une cer­taine uto­pie détruite de gens d’origines, de reli­gions et de cultures diverses vivant dans le même espace, une récon­ci­lia­tion (pas­sée — et peut-être future ?) des quatre points car­di­naux dans une seule et même région, un car­re­four rêvé et tou­jours en péril.

Aujourd’hui, tout autour de cette région (et dans cette région même), les pays créés par les aléas de l’histoire tendent à se replier sur leurs pré­ten­dues « iden­ti­tés » (le plus sou­vent des affa­bu­la­tions créées pour mieux se cher­cher des enne­mis à l’extérieur et à l’intérieur de ses fron­tières — un autre mot sou­vent rap­pe­lé aujourd’hui). En choi­sis­sant comme thème « Car­re­four Sara­je­vo », le Prin­temps cultu­rel nous per­met donc non seule­ment d’appréhender la belle com­plexi­té de cette région, mais aus­si de nous inter­ro­ger sur les valeurs que nous sou­hai­tons affir­mer et défendre par la culture dans notre pays et sur notre conti­nent.

Cyril Tissot, Délégué aux affaires culturelles de la Ville de La Chaux-de-Fonds

La Vue des Alpes – Sarajevo: un peu plus de 1’400 kilomètres par la route, une quinzaine d’heures en voiture. Soit, en gros, cinq trajets sur Genève et retour.

Une ville bien proche donc, en tous les cas, bien plus proche que sup­po­sé. Mais pour­quoi semble-t-elle si loin­taine, comme si elle se trou­vait sur un autre conti­nent?

Vrai­sem­bla­ble­ment à cause de notre pro­pen­sion à prendre ses dis­tances avec tout ce qui est mul­tiple, com­plexe, et par­fois tra­gique.

Les Bal­kans sont tout ça. Des iden­ti­tés, des cultures, des reli­gions, des langues, des sen­si­bi­li­tés nom­breuses, diverses, qui se côtoient, s’interpénètrent, et qui par­fois se sont dou­lou­reu­se­ment affron­tées.

Mais ce sont aus­si des terres de créa­tion, d’expression, de réflexion, d’ouverture, de pas­sage et donc de par­tage.

Le Prin­temps cultu­rel a pour volon­té d’offrir un regard plu­riel sur le patri­moine his­to­rique et cultu­rel d’un pays, d’en faire décou­vrir les richesses et les poten­tia­li­tés.

Après la décou­verte des beau­tés artis­tiques et cultu­relles de l’Iran en 2015, ce prin­temps 2017 fait éclore en terres neu­châ­te­loises la sub­ti­li­té, la richesse et la pro­fon­deur des arts dans les Bal­kans.

Jean Studer, Président du Printemps culturel

Offrir un regard pluriel sur le patrimoine historique et culturel d’un pays,
en faire découvrir ses richesses et ses potentialités, telle est la vocation de l’association «Printemps culturel».

Après le suc­cès rem­por­té en 2015 par sa pre­mière édi­tion consa­crée à l’Iran et à son his­toire mil­lé­naire, le Prin­temps cultu­rel 2017, qui se pro­jette comme une bien­nale, se pro­pose de faire décou­vrir au public neu­châ­te­lois et romand le patri­moine cultu­rel d’une région qui, mal­gré sa proxi­mi­té rela­tive avec la Suisse, reste mal connue : Sara­je­vo est un véri­table car­re­four qui nous emmène dans tous les pays de l’ex-Yougoslavie.

Une région connue sous l’appellation de «Bal­kans», terme qui ren­voie aujourd’hui encore à une  mosaïque com­plexe qui forme cette par­tie de l’Europe orien­tale. Un ensemble que nous pro­po­sons de consi­dé­rer dans sa diver­si­té cultu­relle et sa réa­li­té contem­po­raine.

Ce thème, pro­po­sé par notre asso­cia­tion, est mis en valeur et décli­né par plus d’une ving­taine d’institutions du can­ton de Neu­châ­tel qui ensemble ont concré­ti­sé un riche pro­gramme com­pre­nant des expo­si­tions, des confé­rences, des débats, des concerts, des pro­jec­tions de films.

Nous remer­cions ici tous les acteurs cultu­rels par­te­naires pour leur enthou­siasme, leur enga­ge­ment et la qua­li­té des pro­jets déve­lop­pés.

Notre recon­nais­sance s’adresse éga­le­ment aux Villes de La Chaux-de-Fonds et de Neu­châ­tel, au Ser­vice de la cohé­sion mul­ti­cul­tu­relle, à la Lote­rie romande et à la Banque Bon­hôte pour leur sou­tien.

Janine Perret Sgualdo, membre du Printemps culturel

Carrefour Sarajevo

Sara­je­vo: des syl­labes qui éclatent comme des bulles iri­sées. Un nom si beau qu’il incite à des rêves d’Orient tout comme celui de Samar­cande. Car­re­four des cultures et des trois grandes reli­gions mono­théistes, Sara­je­vo et les Bal­kans racontent une his­toire com­pli­quée où les périodes de coexis­tence heu­reuse sont sou­dai­ne­ment déchi­rées par des conflits vio­lents qui exa­cerbent des iden­ti­tés sou­vent enfouies.

L’ère com­mu­niste avec son étoile rouge sur les bâti­ments offi­ciels avait ten­té de créer, dans les Bal­kans un être nou­veau, sans attaches tra­di­tion­nelles, cultu­relles et reli­gieuses. La chute du com­mu­nisme réveille les natio­na­lismes et la You­go­sla­vie (lit­té­ra­le­ment pays des Slaves du Sud) sombre dans une guerre fra­tri­cide de 1991 à 2001. Ce conflit met fin aux décou­pages géo­gra­phiques du pré­sident Tito qui diri­gea le pays d’une main de fer, de 1953 à 1980. Il exis­tait alors six peuples et six Répu­bliques dont deux étaient offi­ciel­le­ment plu­ri­na­tio­nales: la Bos­nie et la Croa­tie. Jadis Royaume des Serbes, Croates et Slo­vènes de 1918 à 1941, la You­go­sla­vie aura duré 73 ans.

Sara­je­vo, capi­tale de la Bos­nie-Her­zé­go­vine, est une des villes emblé­ma­tiques du conflit you­go­slave ; de 1992 à 1996, elle est assié­gée et bom­bar­dée par l’armée serbe. La résis­tance héroïque de son orchestre sym­pho­nique reste gra­vée dans les mémoires. Réunis­sant des musi­ciens bos­niaques, serbes et croates, cet ensemble joue, en pleine guerre, en juin 1994, sous la direc­tion de Zubin Meh­ta (du New York Phil­har­mo­nic), le Requiem de Mozart dans les ruines de la biblio­thèque muni­ci­pale. L’événement est dif­fu­sé dans le monde entier. Vingt ans après le début du siège, le 5 avril 2012, des mil­liers de spec­ta­teurs se ras­semblent le long d’un bou­le­vard. Ils viennent assis­ter à un concert qui se déroule devant 11’541 chaises rouges vides, soit le nombre exact des vic­times de l’encerclement de Sara­je­vo.

Les Bal­kans, cette constel­la­tion de divers pays, forment un pont entre Orient et Occi­dent. Ils sont aus­si appe­lés «pénin­sule bal­ka­nique» car ils ont des côtes sur la mer Noire à l’est et la Médi­ter­ra­née au sud et à l’ouest. Pour Nico­las Bou­vier, leur cou­leur est le bleu, «un bleu nuit un peu sourd» (L’Usage du Monde). Clo­chers à oignons ortho­doxes, monas­tères byzan­tins, syna­gogues de style mau­resque, mina­rets effi­lés otto­mans témoignent de la richesse et de la diver­si­té des cultures de cette région.

Simone Forster, membre du Printemps culturel

Le comité du Printemps culturel

Jean Stu­der, Pré­sident – Miche­line Cent­livres – Pierre Cent­livres – Jacques Fors­ter – Simone Fors­ter – Janine Per­ret-Sgual­do

Edition précédente:
De la Perse à l’Iran contemporain